05 janvier 2013

Les tendances du Sens du client 2013

A quoi ressemblera la relation client en 2013 ?
J'ai rassemblé pour vous dans ce billet 10 tendances illustrées par des chiffres, des exemples significatifs qui devraient guider notre action en tant que professionnels de la relation client ou tout au moins nourrir nos réflexions. Ce billet a fait l'objet d'une conférence avec Poweron, parrainée par Testntrust, le 20 décembre dernier.

LE CLIENT SERA PRÉOCCUPATION
"Le client est au cœur de nos préoccupations" a été élu premier poncif marketing lors d’une Journée nationale du marketing de l’Adetem. Au-delà des incantations et des effets de mode, il me semble que nombre d’entreprises s’appuient désormais sur la relation client comme élément tangible de différenciation, ce qui me fait dire que le client sera préoccupation en 2013. Plus de 60 entreprises ont été distinguées en 2012 pour leur relation client, grâce à des prix, récompenses ou podiums toujours plus nombreux. La littérature sur le sujet de la relation client n’a jamais été si foisonnante. De nombreux livres, revues, blogs, sites, voient le jour chaque mois et s’adressent à des populations qui dépassent les frontières de la corporation de la relation client. Le récent livre Stratégie Clients s’adresse aux dirigeants et OutsideIn (sous-titré « le pouvoir de mettre le client au centre ») réalisé par des experts de Forrester nous annonce que nous sommes entrés dans l’âge du client et cite Amazon, dont le fondateur Jeff Bezos vient d’être élu Homme de l’année par Fortune magazine. On valorisera en 2013 les entreprises orientées client !
Enjeux pour les entreprises :
  • Passer de la posture et des mots aux actes. 
  • Intégrer des chiffres clés relatifs au client dans les indicateurs de gestion de l’entreprise, sensibiliser les équipes de management pour garantir une stratégie pérenne, et rendre tout le monde propriétaire du sujet de la relation client. La relation client n’appartient plus aux personnes en contact avec le client.

LE CLIENT SERA ÉLASTIQUE En étudiant 3000 parcours clients en 2012, Shopper Sciences pour Google a découvert 3000 chemins différents ! Adieu tunnel d’achat, parcours rationnel et cadré, bonjour rebonds multiples et variés. La faute aux sources d’information plus nombreuses pour un achat (estimées à 10,4 en moyenne, deux fois nombreuses qu’en 2010, source idem), aux canaux ouverts et disponibles pour le client. Sur 100 visiteurs d’une enseigne dans les 3 derniers mois, 49 visitent le site ET le magasin (source Fullsix), on ne peut plus raisonner multi-canal mais expérience client fluide. L’expression Showrooming inventée par des distributeurs effrayés par des clients qui visitent un magasin et vont sur Internet me fait bien rire. Elle montre leur incapacité à gérer un client élastique et volatile, et rendre ses propres points de contact attractifs et cohérents. 60% des clients s’attendent à ce qu’une intégration transparente des canaux online, sociaux, mobile et physiques soit la norme en 2014 (source Capgemini 2012) : il va falloir apprendre la souplesse !
Enjeux pour les entreprises :
  • Faire vivre au client une expérience identique sur tous les canaux, enrichir chaque canal de contenu pour le rendre plus attractif.
  • Repenser les parcours client et anticiper la logique floue.

LE CLIENT SERA PROPRIÉTAIRE Alors qu’un géant de la distribution française lance le commerce collaboratif avec Quirky, le leader mondial Walmart fait voter ses clients pour élire les produits à référencer parmi 4000 propositions avec Get on the shelf, Decathlon déclare dans son B’Twin Lab « le meilleur concepteur, c’est le client », la banque Barclays se distingue aux Etats-Unis par sa carte dont les porteurs construisent le contenu : quelques exemples parmi de très nombreux, qui illustrent la quête permanente de participation du client. Il semble que nous soyons dans les cas cités ici, au-delà du gadget. Les entreprises ont bien compris que pour gagner de l’attachement, de l’appropriation, il fallait faire s’engager le client. Le résultat est qu’il pourrait bien se sentir davantage propriétaire de ce qu'il consomme.
Enjeux pour les entreprises :
  • Mettre à profit la volonté de participer de (certains) clients et compter sur les autres pour s’approprier une innovation, un bénéfice conçu par leurs pairs. 
  • Les entreprises qui s’engageront dans cette voie veilleront à éviter le coup marketing et s'attacheront à s’engager sur le long terme.

LE CLIENT SERA RECOMMANDATION Le NPS (Net Promoter Score qui mesure la différence entre les promoteurs et détracteurs) était l’objet de débat parmi les puristes il y a quelques années, il me semble que cette mesure devient presque un standard. On se soucie de la recommandation du client car on sait qu’elle est désormais capitale. D'autant que le client ne va plus se gêner pour s’exprimer sans que vous lui demandiez, et son expression viendra faire ou défaire votre réputation. C’est ce que Google a intelligemment appelé le ZMOT (Zero moment of truth), le moment suivant le stimulus publicitaire, juste avant l’acte d’achat et l’expérience du produit ou du service. C’est ce "Moment de vérité zéro" qui dominerait le parcours client, alimenté par le flot quotidien de contenu produit en ligne par des clients à destination des lecteurs attentifs et toujours plus curieux.
Enjeux pour les entreprises :
  • Aller au-devant de l’expression du client et accepter qu’elle soit libre et publique. 
  • Savoir organiser l’écoute client en interne pour progresser. 
  • Et pour favoriser la recommandation, faire vivre à votre client une expérience forte, empreinte de vos valeurs, pour sortir de la mortelle zone d'indifférence dans laquelle trop d'entreprises laissent les clients.

LE CLIENT SERA HORS-CHAMP J’entends des experts et je vois souvent des plans marketing dans lesquels on croirait que tous les clients sont équipés d’une tablette, sont cyberacheteurs, geeks, nerds, connectés 24 heures sur 24. Si Je ne conteste par les avancées de la technologie dans notre quotidien (ce serait un comble dans un billet de tendance 2013), je pense toujours à ceux dont on ne parle pas, la minorité silencieuse, parfois volontairement silencieuse, je pense à ceux qui font les choses autrement et de façon durable et assumée. L’Observatoire des usages du numérique (Colorado) nous apprenait récemment que 18% des français étaient non connectés et réfractaires à Internet. Presque 2 sur 10 ce n’est pas rien ! L’Obscoco dans son Observatoire des consommations émergentes nous rappelle que 38% des français ont déjà récupéré des objets jetés ou déposés sur les trottoirs, 60% achètent des produits d’occasion, 49% en vendent, 37% ont pratiqué l’achat groupé dans les 12 derniers mois… 83% des français pensent qu’il est plus important de pouvoir utiliser un produit plutôt que de le posséder, 40% achètent des produits alimentaires en se rendant chez le producteur… Autant de chiffres qui illustrent que le mainstream n’est pas un fleuve tranquille, et que la réalité de certains clients échappe aux marketers. Ces clients sont en quelque sorte « hors-champ », hors-champ d’étude, hors champ mental et passent sous le radar.
Enjeux pour les entreprises :
  • Intégrer les pratiques émergentes dans la relation marchande (une recommandation de l’Obscoco) aussi bien pour les fabricants que les distributeurs. 
  • Maintenir la relation avec les déconnectés, ceux dont le monde numérique représente plus de stress qu’autre chose et entretenir avec eux une relation client plus "douce" (une recommandation de Colorado/Nexstage).

LE CLIENT SERA ÉTHIQUE  Pour 92% des français, les entreprises doivent avoir un rôle d'exemplarité pour leurs consommateurs. 70% d'entre eux privilégient les marques qui ont une véritable éthique (Source Ethicity Aegis 2012). Même notre champion de la relation client Amazon n'échappe pas aux appels au boycott outre-Manche par le magazine Ethical Consumer qui l'accuse d'évasion fiscale (sujet à la mode en 2013...). On ne tardera pas à voir apparaître des rayons de produits Made in France dans les magasins. Alors qu'on voit de plus en plus de visages sur les packagings de produits (lire mon billet à ce sujet) pour faire (re)naître la confiance perdue, 85% des français privilégient les entreprises qui ont préservé une implantation locale.
A propos d'éthique et de préoccupations sociales, je note aussi que l'Académie du service s'apprête à réaliser un baromètre sur la perception de l’esprit de service aux yeux des clients,  et un autre sur l’ancrage de la culture de service chez les collaborateurs. Le client sera aussi sensible aux conditions de travail des personnes à son service (où l'on reparle à nouveau de la symétrie des attentions et des "employés d'abord, les clients ensuite").
2013 sera l'année de publication de la première norme française des avis de consommateurs sur Internet, alors que les français doutent de plus en plus de la fiabilité du contenu produit par leurs pairs.
Et enfin, signe des temps : les auteurs du fameux livre "One to one" viennent de sortir un livre intitulé "Extreme Trust" (Confiance extrême, sous titré : l'honnêteté comme avantage compétitif).
Enjeux pour les entreprises :
  • Se faire à l'impératif de transparence qui s'impose à tous.
  • Tenir les promesses conformes à son positionnement et plus que jamais apporter des preuves.

LE CLIENT SERA IMMÉDIAT Si on se tourne vers l'Asie (comme lors du Tour du Monde de la relation client), on observe la création de sites d'e-commerce dont la moitié des interactions client est faite par Chat. Les marques investissent les médias sociaux et découvrent ses exigences en termes de réactivité, les attentes d'immédiateté ne cessent de grandir (80% des inscrits sur Twitter attendent une réponse dans la journée, selon Oracle). Les clients veulent des réponses immédiates et vont les chercher eux-mêmes (58% des internautes ont trouvé des réponses à leurs questions de relation client en cherchant sur Internet en 2012 vs 35% en 2009, selon l'étude récente Eptica). Source d'insatisfaction pour 34% des clients : une trop longue attente au téléphone, un client sur 4 attend plus de 10 minutes au téléphone dans le domaine des FAI et opérateurs de téléphonie (source Verint Ipsos).
C'est une tendance fatalement lourde de la relation client : le client vivra de plus en plus dans l'instant et supportera de moins en moins d'attendre.
Enjeux pour les entreprises :
  • Se montrer à la hauteur des attentes sur chaque canal et en adopter les codes. 
  • Gérer le stress occasionné par cette immédiateté aussi bien pour les clients que les collaborateurs. 
  • Donner les moyens au client de trouver seul des réponses rapides si possible chez soi, et pas chez le concurrent.

LE CLIENT SERA SANS EFFORT La pyramide de l'expérience client -selon Forrester- comprend une base qui est la simple réponse aux besoins ("j'ai atteint mon but"), un milieu qui est la facilité ("je n'ai pas eu à faire des efforts") et un sommet réjouissant ("j'ai passé un bon moment"). Harvard Business Review dans son célèbre article "cessez d'essayer d'enchanter vos clients" nous démontrait que le CES (Customer Effort Score) se révèle plus puissant que le NPS et la note de satisfaction pour prédire un réachat et des achats plus importants. Le fait est que la vie du client est de plus en plus facile : GPS de magasin, services de Drive qui se généralisent, connexion Internet haut débit au creux de la main, applications de dématérialisation (voir le Passbook d'Apple, portefeuille numérique qui s'active selon votre position). Les outils numériques, et Internet en général, aident le client à faire moins d'efforts. Et pourtant, (selon la HBR citée plus haut) 57% des appels viennent de clients passés par Internet et 56% des clients doivent expliquer à nouveau leur problème. Eptica nous apprend dans son étude en outre, que les sites offrent 4,53 outils d'information avec des performances jugées très inégales. Le client ne veut plus faire d'effort, saurez-vous l'aider à en faire moins ?
Enjeux pour les entreprises :
  • Favoriser l'autonomie des personnes en contact avec le client pour accroitre le "Once and done" (taux de résolution des problèmes en une fois). On apprenait dans l'excellente cartographie de l'AMARC que 46% des personnels en contact avec le client ont une très forte autonomie pour gérer les réclamations : preuve que le chemin est encore long. 
  • Réduire au minimum les changements de canaux et améliorer leur performance.

LE CLIENT SERA RECONNU Madame Martin vient d'être élue sur mon blog Cliente de l'année 2012 ; cette chère Madame Martin dont EDF et Nespresso parlent au même moment dans leur communication, attend désormais une relation personnalisée. Elle attend que toutes ses données disponibles lui procurent des bénéfices réels qui correspondent à ses attentes et ses centres d'intérêt. Alors qu'on ne parle que de magasins connectés et de digitalisation du point de vente, le client, déjà hyperconnecté, s'attend à ce qu'on le reconnaisse, il veut des magasins non pas pour lui mais AVEC lui (lire mon billet à ce sujet). Il attend que ses expériences digitales ou réelles lui procurent une plus grande autonomie, des conseils personnalisés et une efficacité accrue face à ses questions grâce à la personnalisation. Myrenault, MaRATP, Darty et moi, le site d'Amazon ou les sites d'ecommerce qui se personnalisent selon votre profil aident le client à vivre une expérience prenant en compte sa singularité. Avant l'arrivée du VRM (VendorRelationshipManagement) prédit par Doc Searls dans son livre The Intention Economy soustitré "quand les clients prennent la main", les entreprises devraient mettre à profit les données disponibles et favoriser la relation personnalisée, une des sources essentielles de l'enchantement.
J'observe également des grandes marques de consommation qui s'installent dans la relation client. Contre leur gré avec les médias sociaux, ou sciemment comme Evian qui, livrant à domicile, entretient désormais une relation personnelle avec ses clients.
Enjeux pour les entreprises :
  • Mettre à profit les données (toujours plus nombreuses provoquant le fameux Big Data), les rendre accessibles à tous, clients comme employés. 
  • Synchroniser les canaux et sources de communication directe avec le client pour mieux connaître et reconnaitre le client.
  • Repenser l'organisation et les missions des personnes en relation avec le client (je pense ici aux vendeurs en points de vente dépourvus face aux clients connectés, et inefficaces dans l'accès à la connaissance du client).

LE CLIENT SERA MOBILISATEUR Pour les entreprises bien dans leur tête, claires à leur tête, qui savent faire correspondre les preuves aux promesses, quoi de plus naturel que d'utiliser le client comme source de motivation ? Quand on écoute Jean-Yves, le conseiller clientèle de l'année élu lors des 24 heures de la relation client, on sent cette passion sincère du client, cette volonté de bien faire les choses et d'en tirer du plaisir. Plus que jamais, comme le prouve par exemple le programme Customer Power de Cegid (un remarquable exemple B2B distingué par une palme de la relation client en 2012), la relation client est aussi un formidable levier de motivation interne. De la même manière quand Easyjet décerne aux collaborateurs les Spirit awards élus par les clients, ou Orange développe les "Orange Bravo - les stars du quotidien", la satisfaction du client est l'objectif assigné aux collaborateurs et l'atteinte des objectifs est l'objet de réjouissances. Autre exemple : l'opération "Président des clients", est, elle aussi, largement utilisée en interne chez IKEA, BUT, PMU ou Leroy Merlin pour fédérer les équipes autour des thématiques relatives au client. Et je ne parle pas des nombreux prix et récompenses, outils de motivation et de reconnaissance du personnel. J'observe avec ma casquette de conférencier, l'accroissement en 2013 des séminaires, challenges qui portent la thématique du client : bonne nouvelle !
Enjeux pour les entreprises :
  • Favoriser la symétrie des attentions, faire en sorte que les collaborateurs soient aussi bien traités que les clients sont des conditions de l'éclosion d'une culture client.
  • Profiter du pouvoir de motivation de la relation client, en reconnaissant comme indicateurs de gestion la performance client.
  • Faire émerger les bonnes pratiques en interne, les comportements exemplaires, les bonnes histoires de client et multiplier les actes de reconnaissance vis à vis des collaborateurs.
Billet écrit par Thierry Spencer du blog Sens du client, le blog des professionnels de la relation client et du marketing client.

3 commentaires:

Alice a dit…

Merci Thierry! Toujours aussi pertinent ! a bientôt pour de nouvelles aventures de client. alice

Anonyme a dit…

Bonsoir Thierry,

merci pour ce billet passionnant qui donne envie de bousculer les vieilles machines de la relation-client qui manquent un peu d'huile pour suivre les attentes de nous autres individus-consommateurs-producteurs-citoyens-créatifs etc...complexe n'est ce as ! ou plutôt global, humain !

En lisant votre billet, je repensais à la prise de parole d'un des salariés de VirginMegastore, au micro des journalistes. Hormis le fait que l'entreprise est raté le tournant numérique ( il n'y a qu'à voir le site web pour le constater et pourtant Dieu sait que Richard Branson avait pourtant presque toujours une longueur d'avance par son audace créative ! ) l'interviewé regrettait que lui et ses pairs n'avaient même pas encore accès à internet pour renseigner ses clients ! Comment une entreprise culturelle, commercialisant tant CD DVD etc...que les nouveautés high tech a pu se laisser couler ainsi ?
Pourtant, je pense que les valeurs de Virgin, la culture du plaisir il me semble, que sa culture de marque comme dirait Daniel Bô, ont quelque chose de bigrement créateur d'engagement pour les clients. Il y a de la vitalité dans cette marque qui donne envie de participer à sa vie, à converser entre clients et avec les collaborateurs. Personnellement, j'ai toujours adoré les recommandations manuscrites des libraires des VirginMegaStore. Il y avait là quelque chose d'authentique et qui me donnait le sentiment d'une réelle expertise de leur part, du moins, d'une réelle passion pour leur métier, ou l'écriture plus généralement.

Aujourd'hui, j'ai signé leur pétition. Avec le vendeur présent à ce moment-là, nous nous disions " au regard du nombre de clients, un dimanche en fin de journée, comment ne pas rêver que tous, les clients donc et même les salariés actuels, rachetions la marque". Après tout, son métier, la place prépondérante de la culture dans la vie des gens, la créativité qu'ils ont également, les valeurs de la marque aussi, très populaire et audacieuse, etc...tout cela ne pourrait il pas nous permettre de concevoir qu'une entreprise puisse être un jour la marque de ses clients, eux-même "actionnaires entrepreneurs" pour elle ? le micro-crédit, la richesse du crowd, le désir de participer, ensemble, à de belles histoires qui au final rapportent à tous et à tous les niveaux matériels et immatériels,...peuvent ils nous permettre d'imaginer un tel plan de reprise..citoyen ?
Tout cela n'est qu'hypothèse évidemment, c'est vous l'expert Thierry ! Et d'ailleurs, encore un grand MERCI pour la qualité de votre article. Je vais m'empresser de le twitter !

Bien à vous,
Nancy

christine a dit…

merci pour cette expérience client!
j'ai mis votre lien sur mon blog wordpressservicetoutsourire