En me rendant au cinéma Le Balzac à Paris, j’ai pensé utile d’interviewer pour vous Jean-Jacques Schpoliansky, son célèbre directeur qui met un point d’honneur a présenter les films au public depuis 1984. Assis dans mon fauteuil, je l’écoute à chaque séance devant son rideau rouge, défendre sa programmation, annoncer les nombreuses animations et rappeler à quel point les salles indépendantes sont indispensables au cinéma.
Bien qu’il réfute totalement l’idée de faire du marketing, et n’entend rien à la discipline de la relation client, cet homme de convictions a vraiment le sens du client comme vous allez le constater.
Ce très récent Commandeur des Arts et Lettres (une distinction qui vient s’ajouter aux nombreuses autres dont celle de Meilleur exploitant) est un homme enthousiaste, imaginatif et plein d’énergie, qui se bat pour préserver l’exception culturelle, favoriser la diversité et…enchanter le spectateur.

Qui êtes-vous ?

Je suis le propriétaire du dernier Cinéma art et essai de l’avenue des Champs-Elysées, on pourrait dire « l’Asterix des Champs Elysées », sur un lieu qui comptait 65 salles dans les années 70 contre 33 aujourd’hui, dont 3 dans mon cinéma.
Le Balzac, créé en 1935 par mon grand-père, est un des cinémas mythiques de Paris qui a connu après guerre des grandes heures du cinéma français. Romy Schneider, Alain Delon, Jean Marais, Brigitte Bardot, Jean-Luc Godart, Jacques Tati et bien d’autres sont venus y présenter en avant-première leurs films.
Le cinéma a été rénové en 1993 : trois salles entièrement refaites, un bar, un lieu d’exposition dans le hall d’accueil, et la décoration revue (fauteuils, moquette, revêtements muraux, éclairages).
De plus, nous avons créé le club des amis du Balzac (1200 membres) et une newsletter (22000 inscrits).

Selon vous, pour une entreprise, qu’est-ce qu' »avoir le sens du client » ?

Je n’ai jamais considéré les 160.000 personnes qui viennent chaque année au cinéma Le Balzac comme des clients, ce sont mes convives car mon cinéma est une table ouverte, on vient y partager des choses..
Ma conviction est qu’il faut être utile et pour se différencier, faire de l’exceptionnel au quotidien.
Tout simplement, je considère qu’il faut faire ce qu’on aimerait qu’on vous fasse.
Personnellement, je suis gastronome, mélomane et passionné de cinéma, alors nous accueillons les spectateurs avec du champagne lors de certaines projections, nous mettons en place des soirées gastronomiques avec des grands chefs, des avant-premières avec des dégustations de vin (comme pour Mondovino), nous organisons plus de 100 évènements musicaux par an et en complément de nos séances traditionnelles, nous créons l’évènement en jouant l’exceptionnel ou la contre-programmation.
Il faut se faire plaisir et faire plaisir aux autres. J’aime recevoir et j’aime donner, et enfin je crois qu’il ne faut pas être égoïste !

Que pensez-vous de l’évolution de la relation client en France ? 

Je perçois notre environnement en pleine mutation. Je pense que le lien social a besoin d’être préservé et qu’il faut trouver des solutions en s’adaptant au public, en vue d’être indispensable. Je sens que pour convaincre tous les publics, les sociétés font des efforts.
Mais je suis souvent attéré par la piètre qualité d’un simple café servi dans un troquet par exemple, ou par les plateaux repas servis dans les avions. Je milite pour le bon goût et la mise en scène, qui va avec la qualité indispensable.
Les gens ont toujours besoin de magie, de rideau qui s’ouvre, de « communion ». Je pense qu’il faut savoir s’adapter aux clients et ne pas perdre son âme. Les lieux doivent s’adapter à tous les publics -dont les jeunes et leurs nouveaux écrans et téléphones-, faute de quoi on les perd à jamais !

Avez-vous une anecdote, un exemple de relation client remarquable ? 

Je me souviens d’un film que mon programmateur (le même depuis 31 ans) me propose en diffusion au Balzac : Nos meilleures années, un film italien de deux fois 3 heures. En plein été, nous faisons le pari de le présenter, pour lui laisser le temps de trouver son public. Quelques semaines plus tard, un vieux Monsieur italien vient me voir très ému pour m’avouer qu’il était venu voir 12 fois les 3 films. « C’est toute ma vie ce film, j’y retrouve ma famille ! » me dit-il.
J’ai la chance de faire un métier passionnant qui me permet d’aller plus loin de que passer des films : nous partageons des émotions.

Note ajoutée : pendant mon entretien, deux femmes frappent aux portes du cinéma, assez mécontentes d’être venues pour rien car ayant noté quelque part un horaire de séance. Jean-Jacques Schpoliansky interrompt l’interview et va leur ouvrir. Elles défendent mordicus le fait d’avoir eu une mauvaise information. Il leur demande quelle est donc cette source d’erreur. Pendant qu’elles cherchent la preuve, il va prendre deux invitations pour leur offrir sur le champ. Quelques minutes plus tard, elles admettent leur erreur et se trouvent confuses avec leur réclamation et leurs deux billets qu’elles veulent lui rendre. « Gardez-les et revenez vite voir votre film au Balzac ! » leur répond-il en conclusion.

Vous aussi découvrez ce cinéma enchanteur au 1, rue Balzac – 75008 ParisMétros :Etoile ou George V.
Laissez un commentaire et je tirerai au sort le 25 mai un gagnant qui aura une invitation pour deux personnes.

Billet écrit par Thierry Spencer du Sens du client, le blog des professionnels de la relation client (et amateurs de cinéma). Pour ceux qui cherchent un lieu de présentation ou de conférence sur le thème de l’enchantement client, vous pouvez aussi louer les lieux.

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