29 février 2012

IRRITANT : films en 3D, D comme dépense, déception et défiance

Je ne décolère pas à la sortie d'une salle de cinéma, lorsque j'ai vu un film en 3D et que mon expérience est vraiment décevante. Je ne connais pas une seule personne autour de moi m'ayant dit "j'ai vraiment adoré tous les films en 3D que j'ai vu et j'ai passé un bon moment à chaque fois".
Ce cher vieux Martin Scorsese en illustration de ce billet a beau se faire le nouveau chantre de la 3D depuis son récent film Hugo Cabret, je ne démords pas et propose de faire correspondre au D de 3D les mots suivants :

D comme Dépense.
Il faut compter parfois jusque 4 euros (supplément billet+lunettes), soit près de 20% à 30% d'une place de cinéma pour voir un film en 3D. Quand les studios refusent de financer le surcoût, c'est aux distributeurs d'en assumer la charge. Le supplément est intégré au prix du billet. Vient ensuite le coût de la paire de lunettes, en location ou à l'achat.
Le spectateur est pris en otage : billet plus cher, coût des lunettes et dans l'immense majorité des cas, pas de choix entre une séance 2D et une séance 3D lors de la sortie et généralement la même paire pour tous, enfant ou adulte, que vous portiez des lunettes ou non.
Pas d'autre choix que l'offre premium !

D comme Déception
Ne vous est-il pas arrivé de vous dire, après avoir chaussé 2 heures une paire de  lunettes inconfortables que les meilleurs effets 3D étaient pendant les publicités (Haribo ou Oasis pour ne citer qu'elles).
Parce qu'il faut bien l'avouer, les films qui ne sont pas conçus en 3D dès le scénario et le tournage ne sont que déception.
Et la majorité des films en 3D sont tous dans ce cas.
La 3D ne date pas d'hier. Conçue au départ (on appelait ça "relief") pour distinguer un film d'horreur (L'étrange créature du lac noir) ou permettre à un réalisateur de talent comme Hitchcock (Le crime était presque parfait) de faire vivre une expérience extraordinaire, elle est revenue ces dernières années avec l'avènement du numérique pour se distinguer du film à la maison (gratuit en téléchargement illégal, en VOD ou en meilleure qualité en Bluray).
Mis à part dans une séance en IMAX (avec un supplément de 5 euros tout de même), je n'ai jamais entendu de "wahou" dans la salle. Avatar, conçu pour la 3D, a fait naître des attentes chez les spectateurs et germer des idées chez les plus malins (cf la sortie de l'épisode 1 de Star Wars dont mon ami Bertrand a fait un fidèle compte rendu).
Ne reste plus qu'à attendre des évolutions de la technologie (avec des lunettes universelles et la 3D à la maison).

D comme défiance
A vouloir faire passer un film 2D en film 3D, ou bien en réalisant des films qui ne sont pas pensé avec la 3D dès le départ, avec la promesse d'une meilleure expérience, on fait des légions de clients frustrés et qui finissent par ne plus croire dans les promesses qu'on peut leur faire.
D'une manière générale en marketing, toutes les initiatives cyniques, visant à un profit immédiat en faisant payer le client -ici le spectateur- génèrent non seulement de la déception mais aussi de la défiance.
La 3D, qui commence à connaitre ses premiers revers commerciaux, n'a d'avenir que si elle est associée à un spectacle conçu pour cette technologie.C'est une bonne illustration d'un marché ou d'une offre qui se positionne sur un premium sans tenir ses promesses.
L'avantage -si je puis dire-, c'est qu'on ne peut blâmer aucune marque identifiée, coupable de cette trahison du client, mais le marché de la 3D tout entier pourrait en souffrir et les exploitants pourraient ne pas se montrer si enthousiastes à proposer des films 3D et vendre leurs lunettes, sans proposer une projection en 2D.

Il faut s'attendre à entendre encore la lithanie "Tout ça c'est du marketing !", et nous n'aurons plus qu'à prendre notre double paire de rames pour leur faire préciser "tu veux dire du mauvais marketing ?"

Billet écrit par Thierry Spencer du blog Sens du client, le blog des professionnels de la relation client et du marketing client.

6 commentaires:

Damien H a dit…

Tout à fait d'accord. Je suis fan de technologie et j'ai adoré les images d'Avatar 3D (j'ai dit images, pas histoire...).
Mais effectivement, il faut que le film soit conçu dès sa création pour vraiment exploiter les bons effets, sinon, comme tu le soulignes, c'est terriblement décevant.

Maxime VUILLEMIN a dit…

Bonjour M. SPENCER,

Je rejoins votre analyse sur la "prise d'otage" du client en ce qui concerne les projections 3D et la qualité de certains films.

Cependant, je trouve que l'industrie du cinéma tente de faire des efforts pour apporter de la nouveauté aux clients, même si ces stratégies sont établies afin de lutter contre le téléchargement illégal.
Je trouve que l'industrie musicale ne se donne pas cette peine et les majors se contentent de crier leur mécontentement par rapport au téléchargement.

Le fait de prendre conscience d'une certaine "lassitude" du client en essayant d'apporter de la nouveauté (la 3D par exemple), n'est-ce pas une certaine forme de "sens du client" de la part de l'industrie du film ?
Bien que je rejoigne votre point de vue sur la façon dont c'est mis en place.

Merci pour vos billets que j'attends toujours avec impatience.

Cordialement

Maxime VUILLEMIN

Anonyme a dit…

Du temps où les cinémas avaient leur public et gagnaient de l'argent sur l'exploitation, il s'assuraient de proposer à leur public les films qu'il(s) aimai(en)t

Deux évolutions caractérisent le marché de l'exploitation cinématographique depuis 20 ans environ :
- la marge des cinémas est réalisée sur la confiserie, donc sur le trafic
- les distributeurs ont pris le pouvoir, conscient de l'impact d'un programme sur le trafic donc... sur la confiserie ; ils ont pris l'ascendant sur les salles.

Mais surtout, plus récemment et en ce qui concerne ce papier, un nouvel acteur est entré dans les salles : la technologie.
Jusqu'au début des années 2000, les cinémas remplaçaient les fauteuils tous les 25 ans, au mieux, et le projecteur encore moins souvent ; la seule dépense coûteuse était l'ampoule du projecteur (quelques petits malins en baissait l'intensité pour la faire durer plus longtemps ;).
En l'espace de 5 ans, plus de la moitié des 5 000 salles françaises sont passées au numérique, il n'y a plus de pellicule mais des fichiers téléchargés et bon nombre d'opérateurs pointent aujourd'hui chez Pôle Emploi, remplacés en petit nombre par des techniciens vidéos qui peuvent piloter à distance toutes les salles d'un multiplexe.
Ce que le public ne voit pas plus, c'est qu'une partie complémentaire de la marge des exploitants est maintenant sortie pour la technologie. Ce qu'il voit encore moins, c'est que la technologie, c'est de la maintenance, donc encore un peu de marge retirée au service. En revanche, pour les distributeurs, c'est tout bénéfice : ils n'ont plus à faire fabriquer des copies, autrement plus coûteuses qu'un simple fichier.
Enfin, ce que le public (le client final) ne voit pas du tout, c'est que la qualité de service / de projection est maintenant assurée par des vendeurs de machines dont nous ne connaîtrons jamais la marque ; et pour cause, il n'ont aucun intérêt à endosser les critiques exprimées ici... que je partage.
En résumé, les Majors du cinéma appartiennent à des industriels de l'entertainement qui, comme les contructeurs automobiles, sont dépendants des Tier 1, les fournisseurs techniques dit "de premier rang" qui, pour certains (Sony est propriétaire de Columbia), ont pour principal métier de vendre de l'innovation...

Anonyme a dit…

je m'attendais aussi dans le paragraphe "déception" que vous parliez de l’inaccessibilité de la 3D à toute un sous ensemble de la population dont je fais partie : les astygmates !
Le cerveau ne peut reconstituer la 3D que s'il reçoit le même signal par les 2 yeux. L'astygmatie étant une perception différente par les 2 yeux d'une même image, même corrigée avec des lunettes, on passe à coté de pas mal d'effet... sans compter sur le mal de tête au bout de 2 heures car le cerveau a bien chauffé dans ces exercices dont il n'a pas l'habitude.

Anonyme a dit…

A lire, une autre analyse, tout aussi percutante dans la livraison de mars 2012 des Cahiers du cinéma. Elle s'intitule: "les rêves perdus de la 3D" et elle est signée par Joachim Lepastier.

Anonyme a dit…

Pour être honnête la 3d existe depuis beaucoup trop longtemps pour n'être utilisé que maintenant l'histoire étant un cycle je pense que nous avons loupé le coche et il faut attendre l'autre cycle pour que cela reprenne, et je susi sur que la solution trouvée sera inattendue en attendant on continue de regarder Avengers l'ère d'Ultron streaming sur les sites plats!

Salutations !