Le nouveau Président de Zara, Pablo Isla, qui succède au fondateur de la chaîne numéro 1 mondial du vêtement, a bien failli recevoir un joli paquet de ma part ce mois-ci.
Alors que ma fille cadette s’était vue offrir une veste dont la taille ne convenait pas, elle est allée à la boutique où ce vêtement a été acheté pour l’échanger munie du ticket original (le sac contenant la veste est en photo de ce billet). Refus car il est impossible d’échanger le vêtement sans la carte bancaire qui a servi au paiement !
Je décide d’aller moi-même à nouveau dans la boutique pour me faire expliquer l’absurdité de cette règle et tenter l’échange. La caissière n’en démord pas, et sur un ton peu aimable, me dit :
– Ce sont les procédures, c’est comme ça ! Je l’ai déjà dit à la demoiselle qui est venue hier.
– Appelez donc votre responsable s’il vous plait, lui répondis-je.
– Elle vous dira la même chose, on ne peut pas faire autrement.
La jeune responsable arrive, elle semble détester le conflit au point de me tourner le dos à moitié et ne pas me regarder dans les yeux. Je sens qu’elle n’est pas très à l’aise lorsqu’elle m’affirme :
– Ce sont les nouvelles procédures informatiques, et ce magasin les applique. Vous pouvez aller dans un autre magasin qui vous fera l’échange sans la carte bancaire utilisée pour le paiement.
– Il est hors de question madame que je me rende dans un autre magasin ! C’est absurde, cette veste est un cadeau, je suis venu spécialement ici pour l’échanger contre la taille du dessus.
– Je suis désolé Monsieur, je ne peux rien faire contre les procédures informatiques. Je n’ai pas l’autorité pour le faire.
A ce stade, une réflexion me vient. Comment une chaîne leader mondial ne permet pas à ses responsables de points de vente de prendre une décision comme celle-ci ? ZARA a construit sa réputation et bâti son succès sur la rapidité et la souplesse (200 stylistes créent 30.000 modèles par an, le siège social en Espagne est en liaison permanente avec les 5000 boutiques dans 75 pays). Le credo de cette enseigne fantastique est d’être à l’écoute du client et de le satisfaire avec une logistique exceptionnelle qui livre les magasins en moins de 24 heures en Europe par exemple (lire l’article du Figaro). Comment peut-on construire une machine de guerre commerciale et faire des règles aussi démentes ? L’échange n’est pas exceptionnel, et on peut imaginer que je ne suis pas le seul dans ce cas.
Revenons à ma conversation avec la responsable.
– Madame, si vous n’avez pas la possibilité de le faire, pourquoi ne pas appeler votre responsable régional, votre Directrice ou votre Directeur régional, le Directeur général France et pourquoi pas le Président ?
– Ça ne se passe pas comme ça Monsieur ici, et je vous dis que ce n’est pas possible, et que c’est une procédure informatique. Il y a d’ailleurs un affiche collée ici derrière la caisse…
Sans m’énerver, je lui dis alors en élevant la voix :
– Vous allez devoir choisir entre respecter les procédures absurdes et satisfaire un client. Je vous demande de DÉSOBÉIR pour satisfaire un client. Je veux bien vous aider à signaler à vos responsables que cette procédure n’est pas un standard dans la distribution et qu’elle va vous créer de nombreux problèmes comme le mien ! Je ne quitterai pas ce magasin sans cette veste dans la taille supérieure, et si vous ne voulez pas l’échanger, je la mets dans un paquet que j’envoie dès ce soir au président de ZARA.
Un peu tendue par mon verbe haut qui m’attire des regards d’incompréhension, voire de méfiance ou de crainte, d’autres clients, elle chuchote un mot à sa caissière puis va vers le téléphone pour engager une conversation avec je ne sais qui.
La caissière, sans un mot ni un sourire, défait la pastille de sécurité de la veste, griffonne une signature sur le ticket puis me balance littéralement la veste en me disant « voilà c’est bon ».
Je n’insiste pas avec la caissière vexée d’avoir été contredite, et je vais voir la responsable le combiné téléphonique collé à son oreille. Je lui sers la main vigoureusement et lui dis en parlant fort (pour que la personne à l’autre bout du fil entende) :
– Merci et bravo pour cette décision. Toutes les félicitations pour avoir désobéi à une procédure absurde conçue par des personnes qui ne sont pas au contact de clients difficiles comme moi !
Cet épisode navrant -qui finit bien- me fait penser à une question qu’on pose à l’embauche chez Zappos : «Racontez la dernière fois que vous avez outrepassé les règles pour vous assurer que le travail serait fait correctement ?».
Moralité : le sens du client c’est aussi être capable d’apprendre à ses employés à désobéir.
Billet écrit par Thierry Spencer du Sens du client, le blog des professionnels du marketing client et de la relation client.