05 novembre 2010

Les marques en conversation : édition 2010 de l'observatoire

"Les marques en conversation" est le thème de l'observatoire de W&Cie et l'Institut CSA dont les résultats de la  troisième édition était présentés cette semaine, dans les locaux de SciencesPo. L'occasion pour les organisateurs d'accueillir quelques conférenciers (presque tous) brillants et iconoclastes, à la manière d'une mini conférence TED avec son philosophe, sa concertiste, son sociologue et ses entrepreneurs.

Je retiens de cette matinée le point de vue de la pianiste Anne Queffélec qui en parlant de la polyphonie, musique composée de plusieurs mélodies, évoquait la beauté de son partage et de son ensemble.
Une voix dissonante (mais admirable) dans ces conférences, celle de Gilles Deléris de W&Cie, rappelait qu'une marque n'est pas un consensus et qu'elle est trop souvent "prétexte à des brèves de comptoir" en permanence, une façon de rappeler qu'on a beau être ouvert et en conversation avec ses clients, il faut maintenir distance (respectueuse) et autorité pour s'affirmer en tant que marque. Il citait la calamiteuse aventure de GAP et son nouveau logo retiré après une vague de réprobation. GAP pouvait maintenir et assumer son choix -aussi mauvais soit-il- mais ne pas lancer un concours international pour en faire un nouveau. Où est l'autorité de la marque ? se demande-t-il (et moi aussi).
Dominique Julien de l'agence Atjust rappelait dans son speech que la conversation rend éthique car elle force les marques à une plus grande transparence. Elle citait la réussite du site archiduchesse et le fait que son créateur ait toujours entretenu avec les internautes des conversations.
Le sociologue Dominique Boullier ajoutait quant à lui que, comme pour la réfraction de la lumière, il n'y a pas de partage d'un message sans qu'il soit transformé.
De quoi faire passer la conversation pour une menace plutôt que pour une opportunité aux yeux de certaines marques selon Denis Gancel, Président fondateur de W&Cie. Selon lui, les marques résistent au changement car pour elles, les conversations sont un mystère et peuvent "changer le monde". Les marques ont peur car les conversations modifient le rapport au temps (le client est maître du temps) et le rapport à l’espace (mondialisation des marques).
J’ai été franchement impressionné par les deux fondateurs de W&Cie, deux patrons d’agence qui ont des convictions, de la culture et l’ambition de faire d’une présentation d’étude un sujet de conférences de bon niveau.

Revenons à l’étude CSA (120 marques, 2000 répondants) proprement dite et ce qu'il faut en retenir :
  1. Le silence des marques. Sur 120 grandes marques étudiées, aucune n’atteint la barre des 50%, 69 marques sont perçues comme peu enclines à la conversation (moins de 20%), 34 ont une conversation dite "moyenne" et seules 17 sont perçues comme étant en conversation (avec des scores de 30 à 40%) : Google, DECATHLON, YVES ROCHER, E.LECLERC, RTL, France 2, FNAC.com, France 3, NESTLE, IKEA, Evian, Msn, Ebay, Europe 1, M6, Carrefour, Coca-Cola et Yoplait.
  2. La faim de conversation. L’attente de conversation est en progression de 8 points depuis 2008 (la part des internautes "en conversation" passe de 68 % en 2009 à 76 % en 2010). Les consommateurs parlent de plus en plus des marques sur internet… mais sans elles, autre constat de l'étude.
  3. Bye bye baby. L’attente en matière de conversation est un phénomène transgénérationnel . Elle n’est plus confinée à un public de jeunes initiés (86% des internautes de « 15 ans et plus » attendent des marques qu’elles entrent en conversation).
  4. Les quatre fantastiques. 10 critères ont été trouvés pour définir la conversation de marque dont 4 dominants. Considération, disponibilité, envie d’échanger et modernité sont les 4 socles d’une "bonne conversation" selon Csa. Ces critères "assurent aux marques qui les investissent une prime de perception positive en matière de conversation". Leur importance est fluctuante en fonction des secteurs en fonction des secteurs, mais reste transversale à l’ensemble des marques. À l’image du secteur Banques-Assurances, les marques les moins bien notées, sont précisément celles qui offrent le plus faible score sur ces quatre critères. Csa recommande d'identifier et de capitaliser sur les critères qui feront émerger la marque sur son secteur et sur l’ensemble du marché. La considération pour le secteur de la grande distribution (GSA). Le score moyen de conversation sur la considération est de 22 %. Les leaders sur ce domaine sont Carrefour (35%) et Leclerc (43%). Auchan et Système U sont respectivement à 31% et 32%. La proximité prime dans le secteur des mutuelles (MMA, MACIF, MAAF, MAIF) qui atteignent un score global de 23% sur ce critère, contre 17% pour les banques mutualistes (Crédit Agricole, Crédit Mutuel, Banque Populaire, Caisse d’Epargne, et Banque Postale). Des scores qui sont largement supérieurs au monde de l’assurance en général (seulement 18% sur la proximité) et des banques en général (11%).
W&Cie parle justement d’un « inexplicable paradoxe » dans le fait que les marques muettes ne semblent pas prendre conscience de l’attente des consommateurs. C’est un persistant monologue publicitaire qui lasse ces derniers, en quête d’une nouvelle relation faite de dialogue.
Plutôt que de créer une simple page Facebook en pensant s’être acquittée du volet « conversation » de sa stratégie (lire mon billet au sujet des réseaux sociaux), les entreprises doivent apprendre à dialoguer avec leurs communautés, comme nous l’apprend simplement le récent –et très bon- livre "Le community Management". Plus la notoriété est forte pour une marque, plus l’attente est élevée sur l’exemplarité dans la conversation.
Rappelons que 59 % des français se déclarent de plus en plus indifférents aux marques (Etude TNS-Sofres octobre 2010 cité par W&Cie). L’indifférence est une des conséquences de l'absence de conversation. L'exercice de conversation, même si il représente un risque d’exposition et une exigence de transparence et d'organisation, est une cure de jouvence permanente.

Retrouvez toute la présentation sur le blog de W&Cie.

Billet écrit par Thierry Spencer du Sens du client, le blog des professionnels du marketing client et de la relation client.

1 commentaire:

Catherine Ertzscheid a dit…

Merci Thierry pour ce compte-rendu de cette session qui avait l'air fort riche et intéressante!!
Et merci pour le petit rappel "Community Management" en fin de billet.
A très bientôt!