520 euros et 80 centimes, soit 3416 francs : c’est la somme considérable que me doit la SNCF depuis 2 mois.

Il est assez rare que je raconte mes mésaventures personnelles sur mon blog et j’ai beaucoup de scrupules à ne parler que d’une entreprise, d’autant que les avis consommateurs sont devenus mon quotidien avec Testntrust (mon activité professionnelle). Mais l’entreprise dont je voudrais vous parler est en train de vivre un moment important de son histoire du fait de l’ouverture à la concurrence, et je ne suis pas certain, au regard de ce que je vis, que ses responsables se rendent bien compte de l’étendue des efforts à faire.
Prenons par exemple Patrick Ropert, le nouveau Directeur de la communication qui déclare dans le dernier numéro de Stratégies : « Le cap est clair, retour aux basiques de la relation client ». Je serais d’avis de ne pas essayer de retourner aux basiques mais d’y entrer tout simplement. Ne seriez-vous pas fou à ma place Monsieur Ropert si un fournisseur vous devait 520 euros depuis deux mois et que vous ne pouviez pas entrer en contact avec lui autrement que par courrier ? Quelle entreprise a ce comportement aujourd’hui ?

J’ai commandé des billets pour un montant de 520,80 euros sur Internet. Une erreur (de ma part) dans l’adresse saisie pour l’envoi au domicile et les billets n’arrivent pas. Au téléphone, sur Internet, rien à faire, il faut se rendre dans un guichet pour se faire rembourser. C’est ce que je fais le 13 mai dernier. L’agent fait pour moi une demande de remboursement et me demande de payer à nouveau 520,80 (je m’exécute sans discuter, n’ayant pas le choix). Un mois plus tard, sans remboursement, je téléphone pensant, naïf que je vais m’entretenir avec une personne du service clients.
Première découverte invraisemblable : il n’y a qu’un canal de communication avec le service relation clients de la SNCF et ce canal est le courrier (à moins d’avoir un numéro de dossier, ce qui n’est pas mon cas). C’est amusant d’ailleurs de faire le parcours du client mécontent sur Internet, poser une question à l’agent virtuel (ma spécialité depuis Miss Client), faire des choix grâce à plusieurs menus déroulants dans la rubrique «contactez-nous par email» (sic) pour arriver à la réponse suivante : «Téléchargez la fiche Après-vente (…) et joignez les justificatifs à l’adresse suivante Service relation clients SNCF 62973 Arras Cedex 9».
Voir la copie d’écran en illustration de ce billet.

Quand je pense que je parle de multi-canal depuis des années, que j’encourage la gestion de la relation client à distance, je félicite les entreprises respectueuses du client et qu’il m’arrive d’avoir la dent dure avec des leaders du secteur et jamais je ne me suis posé de question sur une entreprise leader de son marché, à qui je laisse au moins 3000 euros par an…
J’ai donc fait une réclamation mi-juin avec un pdf imprimé depuis le site et redécouvert le goût de la colle des enveloppes et la vieille sensation du papier sur la langue.

Nous sommes le 17 juillet et une idée m’est venue hier. J’avais oublié que j’étais un client privilégié détenteur de la carte Grand Voyageurs. J’appelle ma ligne dédiée dans l’espoir qu’ils m’en diront plus : « Je peux vous dire que votre courrier a bien été reçu mais je ne sais pas quand vous serez remboursé ».
Joli traitement de faveur !

Un peu de recherche sur Internet m’informe que la saisine directe du Médiateur de la SNCF est désormais possible sans passer par une association de consommateurs (depuis 2009).
J’ai donc décidé ce jour de saisir le Médiateur de la SNCF, l’honorable Bernard CIEUTAT, pour récupérer mes 520,80 euros.
Etant donné que mes billets sont censés faire avancer notre profession et enrichir les lecteurs, j’ai lu le rapport du Médiateur pour l’année 2009.
Voilà ce que j’ai appris :
« Les effets de la saisine directe ont été immédiats : la Médiation a reçu près de 2500 réclamations en 2009 contre 750 l’année précédente, soit trois fois plus ». 2500 réclamations, ce n’est que 0,25% du total des réclamations de la SNCF. Personne n’avait donc pensé que la saisine directe allait ouvrir les vannes des clients très mécontents ?
– Je m’inquiète pour le Médiateur lorsque je lis dans son rapport « après quelques mois difficiles, les délais de réponse ont été réduits dès la fin de l’année 2009 et vont encore s’améliorer en 2010. ».
En effet, le Médiateur de la SNCF est passé de 71% à 56% de réponses EN PLUS DE DEUX MOIS (entre les deux semestres 2009). Monsieur le Médiateur a beaucoup d’humour ou bien il vit dans un autre espace temps, un univers dans lequel on met deux mois pour lire une lettre et y répondre. Un médiateur n’aurait-il pas lui aussi des délais à respecter ?


Je lis dans diverses sources que le service relation clients de la SNCF reçoit un million de réclamations par an, ce qui au regard du nombre de voyages (100 millions) et de voyageurs (2 milliards par an, dont 97,3 millions en TGV) est assez peu. Le Médiateur traiterait donc 0,25% de toutes les réclamations des clients (les plus énervés et les plus courageux) avec un délai proprement intolérable !

Est-ce ainsi que l’on traite les clients à la SNCF ?
Et pourtant, en lisant le rapport annuel de la SNCF, je découvre les déclarations de Guillaume Pépy, Président de la SNCF : « la satisfaction des clients est le cœur de notre stratégie d’entreprise et de nos préoccupations quotidiennes », et celles de Barbara Dalibard directrice générale SNCF voyage « (les concurrents) vont probablement nous concurrencer sur les prix. Mais ils vont aussi miser sur nos faiblesses potentielles. (…) Il nous faut aussi garantir les fondamentaux de la qualité de service que les clients attendent(…) »
A nouveau, de belles déclarations d’intention -dont je ne doute pas de la sincérité- mais qui se heurtent sur le mur de la réalité à la vitesse d’un TGV.
La SNCF trouvera dans le chiffre du baromètre de la relation client des raisons de se réjouir : 47 % des entreprises françaises ne répondent pas au courrier de réclamation.
En revanche, par rapport à ma situation personnelle (qui est assez représentative si j’en crois ce que je lis sur Internet), je pense que la SNCF, son service relation clients et son Médiateur, seraient bien inspirés de se mettre au niveau des standards du marché. Selon BVA et Viséo Conseil, « 89 % des e-mails (au service client) ont une réponse en moins de 2 jours ouvrés et 66 % des courriers en moins de 10 jours ouvrés. »

Selon « blog en commun », la SNCF va ouvrir un accès à son service via email cet été » et répondre en 48h00 et d’après Relation client mag de décembre 2009 « D’ici la fin du premier semestre 2010, la SNCF prévoit d’étendre son service réclamations via le mail. (…) Ces dernières années, la SNCF avait fortement privilégié la vente, le self-care et la dématérialisation des billets dans ses budgets, au détriment de la réclamation. ». Cela me rappelle le piège de la tendance 2010 « le client sera seul » (lire mon billet) dans lequel la SNCF est tombée.

J’ai deux questions en conclusion :
– les dirigeants de la SNCF se rendent-ils compte de la calamiteuse qualité de service et du peu de moyens du Médiateur alors qu’ils prônent et promettent une orientation client ?
– la SNCF se rend-elle compte que l’ouverture à la concurrence risque de lui couter très cher si elle continue à traiter ses clients de la sorte ?

Billet écrit par Thierry Spencer du Sens du client, le blog des professionnels du marketing client.

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