17 octobre 2009

Les banques et la relation client


Dans l'étude réalisée par Init Capital Clients pour la Saint Fidèle au mois d'avril dernier, nous faisions avec mon partenaire pour l'occasion, Christian Barbaray, l'analyse suivante :
La fidélité dans le secteur bancaire est « relative » (56% de clients se déclarant fidèles et 13% de moins fidèles qu'avant), sachant que beaucoup de clients sont devenus multi-bancarisés (29% selon la Fédération française bancaire). Bigames - voire polygames- mais Fidèles, une autre conception du couple !

Il n'est donc pas étonnant que les banques cherchent à faire la différence sur la relation avec leurs clients.
Je n'ai presque pas été surpris lorsque j'ai reçu le mailing du Crédit Mutuel dont l'accroche est "Rejoignez la banque N°1 de la relation client" (source TNS Sofres Bearing point).
Une approche si originale que j'ai pris rendez-vous avec l'agence la plus proche de chez moi (suite à leur sollicitation par téléphone après le mailing) pour vérifier leurs dires. J'ai bénéficié d'un accueil très chaleureux et noté l'argumentaire de la personne rencontrée qui s'appuyait principalement sur la relation. Parmi les preuves de ce positionnement, j'en ai noté deux :
- le Crédit Mutuel est une banque mutualiste, les clients sont sociétaires, détenteurs d'une part sociale et siègent au conseil de surveillance de leur agence (un argument auquel je suis sensible, lire mon billet à propos de la MAIF).
- au Crédit Mutuel, les chargés de clientèle ne changent pas tous les trois ans d'agence ; "par exemple, en ce qui me concerne -me disait mon interlocutrice-, j'ai passé 7 ans dans ma précédente agence".

C'est dire à quel point il existe dans ce secteur une terrible insatisfaction des clients sur la relation avec leur banque. Les clients sont évidemment attachés à leur agence et à leur chargé de clientèle, c'est à dire à la relation humaine ; la banque est un commerce comme les autres.
La fidélité est souvent une fidélité d’inertie dans la banque : c’est dur de changer de banquier lorsque ses opérations bancaires sont gérées par une banque, rappelons que le taux de clôture des comptes est de moins de 5% en France, un record en Europe !
Le rapport du coût de changement de banque au bénéfice est très incertain, donc personne ne bouge.
D'ailleurs, si je n'ai pas changé de banque, c'est bien pour le coût de ce changement mais aussi, en ce qui me concerne, parce que mon chargé de clientèle chez LCL est vraiment très bien.

Je pensais que le Crédit mutuel était le seul à mettre en avant la qualité de sa relation de manière aussi forte mais en ouvrant mes yeux lorsque je passe devant les agences de mon quartier (rappelons qu'il y a plus de 40000 agences en France), j'ai découvert que chaque établissement y va de son couplet sur le sujet.


Les banques, familières des pourcentages, jouent leur couplet sur la relation client. 90% des clients de la BRED la recommandent, 96% des clients de CAIXA sont satisfaits et 100% des clients du Crédit du Nord ont un conseiller personnel (auquel il faut ajouter une communication présente sur leur site et dans leur agence qui annonce que le Crédit du Nord est "1er sur la satisfaction client").
Nous voilà donc dans un phénomène qui tend à banaliser le discours d'un secteur qui n'a pas bonne presse ces derniers temps. Il ne faut donc pas s'étonner que, dès lors que les banques proclament une relation client exemplaire pour se différencier, elles soient jugées sur le sujet.
Signe des temps : l'AFUB (Association française des usagers des banques) vient de publier cette semaine un nouveau classement : le PRIX RAPETOUT des banques les plus conflictuelles.

Ils s'appuient sur 2000 témoignages adressés, pour ce trimestre à l'AFUB déclarant que leurs réclamations sont "demeurées sans réponse ou n'ont pas eu une suite cohérente."
Selon l'AFUB : "L'objectif de ce baromètre est, par delà cette mesure, de stimuler la concurrence interbancaire dans la perspective d'une amélioration, à moyen terme de cette relation client. Les pommes de discorde sont bien souvent la conséquence de la logique commerciale qui transforme le "conseiller bancaire" en un "vendeur"; elles sont aussi la conséquence de la crise économique et financière."
On pourra reprocher, comme le dit le journal la Tribune, le manque de pondération du classement, mais il faut reconnaitre qu'il a le mérite de mettre les pieds dans le plat de la relation client dans ce secteur.
L'AFUB rappelle sur son site que les chiffres des plaintes reçues à la DGCCRF à fin septembre montraient une augmentation de plus de 15% des plaintes dans le domaine de la banque.

Les lauréats pour cette édition sont :
  • 1er La Caisse d'Epargne avec plus de 16% des courriers reçus
  • 2ème Le Crédit Agricole avec près de 14%
  • 3ème BNP Paribas avec 11%
Le Crédit Mutuel dont je parlais plus haut est 8ème avec 4% et le Crédit du Nord 12ème avec près de 2% des courriers envoyés à l'AFUB, preuves que leur positionnement n'est donc pas usurpé ?
On en revient encore et toujours au positionnement des marques. Avoir des valeurs, un positionnement et communiquer dessus est une chose. Apporter des preuves concrètes au client en est une autre. Le secteur bancaire est tiraillé entre des impératifs de rentabilité, une nécessaire dématérialisation et une relation de plus en plus virtuelle et de moins en moins humaine, et il a oublié qu'un client qui se sent otage et reste fidèle par inertie est le plus mauvais des ambassadeurs.
Le secteur de la banque est pourtant l'un des mieux placés pour gérer une relation client exemplaire : n'est-ce pas le seul à savoir autant de choses sur son client et à avoir autant de canaux de relation avec lui ?

Lire en complément mon billet sur la transparence des banques et l'exemple d'ING direct.

Billet publié par Thierry Spencer - le blog du Sens du client

4 commentaires:

Thierry Spencer a dit…

Je voudrais ajouter à ce billet quelques chiffres qui viennent contrebalancer mes sources, extraits du dossier de presse de la nouvelle banque BFORBANK ("Créée par les Caisses régionales de Crédit Agricole, BforBank est la
première banque privée 100 % en ligne. Elle offre des services haut de gamme et personnalisés aux Français qui possèdent un patrimoinefinancier et désirent s'impliquer dans sa gestion.") :
77 % des personnes interrogées ont une bonne image de leur banque **
73 % des Français pensent que la banque est un secteur dans lequel
s’exerce une véritable concurrence **
83 % d’entre eux estiment que c’est une bonne chose **
64 % des internautes consultent des sites bancaires **
6 % des Français sont déjà actuellement clients d’un établissement financier
en ligne *
54 % trouvent que c’est plus rapide *
52 % trouvent que c’est moins cher *
48 % trouvent que c’est plus simple *
36 % n’ont pas le temps de se déplacer en agence *
27 % n’ont pas besoin d’avoir de contact avec un conseiller *
* Ipsos Marketing (1er Trimestre 2009)
** IFOP Fédération Bancaire Française – Observatoire 2008 de l’opinion sur l’image des banques – novembre 2008

IB a dit…

Sur le même sujet, le rapport Pauget a étudié les difficultés du changement de banque en France pour les consommateurs.

Commandé en mars 2010 par Christine Lagarde, ministre de l'Economie, de l'Industrie et de l'Emploi à Georges Pauget (ancien directeur général du Crédit Agricole) et Emmanuel Constans (président du Comité Consultatif du Secteur Financier) le rapport Pauget-Constans vient d'être publié. Il fait l'état d'un secteur de la banque de détail en France qui nécessiterait une poursuite des réformes pour offrir des tarifs plus équilibrés, une comparaison des banques plus facile.

L'organisation du secteur bancaire français est spécifique:
- du fait de la densité de son réseau,
- du taux élevé d'équipement des clients en services bancaire,
- du taux très élevé de bancarisation,
- du nombre important de conseillers par client et de leur disponibilité,
- d'une offre large, innovante, directement produite par les banques plutôt que sous-traitée à des compagnies spécialisées.

De surcroît, les banques françaises ont su pour la plupart d'entre elles développer un service de banque à distance : selon la BCE (2008), "40% de la population française a recours aux services bancaires par internet et 19% par téléphone contre 30% et 14% en moyenne dans l'Union Européenne."

La mission propose six objectifs :
- "accroître la lisibilité, la transparence et la comparabilité des tarifs bancaires".
- "renforcer la formation des réseaux bancaires et l'éducation financière".
- "développer des moyens de paiement mieux adaptés aux besoins des clients et aux évolutions technologiques dans un cadre européen".
- "mettre en place une nouvelle génération de forfaits de services bancaires ("packages")."
- "améliorer le traitement des incidents de paiement, notamment pour les clientèles fragiles, afin de réduire les frais associés".
- "favoriser le rééquilibrage des revenus de la banque de détail pouvant entraîner une diminution ou une modération durable des tarifs bancaires".

Emilien a dit…

Article très interessant.

Il est d'ailleurs peut-être lié que les banques en ligne françaises ne connaissent pas le même succès qu'ailleurs en Europe justement du fait de l'attachement des français à leur conseiller bancaire. Chose que les banques en ligne malgré leurs efforts ne semblent pas encore en mesure de rassurer.

Banque en ligne a dit…

Avec l'arrivée des banques en ligne, les banques traditionnelles vont devoir redoubler d'efforts pour garder leurs clients.